Naomi Maury. "Exoskeletlight"
Du 14 octobre 2023 au 10 mars 2024
Commissariat : Clément Nouet
Le Musée régional d’art contemporain Occitanie à Sérignan invite Naomi Maury (née en 1991 à Bédarieux), lauréate du prix Occitanie Médicis 2022, à réaliser sa première exposition personnelle d’envergure dans un musée. À cette occasion, l’artiste propose une immersion physique et sensorielle à travers un ensemble d’œuvres pour la plupart inédites situées aux frontières de l’expérience et de la fiction.
Les expositions monographiques de Naomi Maury sont d’ambitieuses mises en scène de ses sculptures et d’un ensemble d’autres choses (films, halos lumineux, dessins, sons, prothèses et objets activés par des performeurs·ses) qui sont les traces de leur développement.
L’artiste crée des œuvres protéiformes, qui se déploient dans des installations spectaculaires mêlant science, expérience et mystère.
Combinant histoire, biologie et science-fiction en un spectacle déconcertant, les œuvres ressuscitent le passé, fusionnent les mondes souterrains et sous-cutanés, présents, futurs et rêvés tout en remettant à jour le genre de la collecte à l’ère de l’information, comme l’entend le sociologue Manuel Castells.
Naomi Maury réalise ce qu’elle nomme des « familles de sculptures » qui s’interpellent, se répondent, s’aiment et se déchirent. Chaque installation est composée d’un halo lumineux et d’une ou de plusieurs sculptures en tube de métal rehaussées avec une ou plusieurs prothèses et/ou orthèses de métal tissé. Avec une grande économie de moyens, elle combine des éléments naturels, comme la mousse, le corail ou encore le bois, à des matériaux artificiels ou industriels, tels que le plastique, le métal, le tissu ou le néon. Entre archaïsme et futurisme, la pratique de Naomi Maury se saisit des formes du vivant pour inventer des créatures d’une réalité fantasmée.
La plasticienne compose ainsi son propre bestiaire où les arts premiers, l’archéologie, la science-fiction et la biologie cohabitent avec harmonie pour créer des Exosquelettes. Ses sculptures dominent légèrement les spectateurs et entretiennent avec eux un rapport familier, comme pour mieux révéler leur inquiétante étrangeté. Chaque sculpture a sa place, à la fois autonome et partie d’un tout. Posées au sol ou suspendues, toujours dans un équilibre précaire, elles semblent prêtes à vaciller, à se briser. En les parcourant, le visiteur « fait corps » avec les formes sculptées, les contourne, les enjambe, les effleure, au risque, parfois, de les bousculer.
À l’heure d’une crise de la biodiversité causée par les effets des activités humaines et d’une « extinction de l’expérience » (Robert Michael Pyle) de la nature, Naomi Maury crée dans ses installations les conditions d’une rencontre sensible entre les visiteurs et l’évocation d’êtres bioniques.
Au centre de l’exposition, son nouveau film « The Meaning of Light » (2023) tourné à Cabrerolles dans le département de l’Hérault, au milieu des vignes et de la garrigue, synthétise les dernières recherches de l’artiste. À l’image d’une odyssée énigmatique « dans un futur spéculatif, nous suivons le temps d’une journée au moment du solstice d’été un groupe d’humains vivant en extérieur parmi les éléments naturels ». Mêlant individus hybridés, appareillés de prothèses et/ou d’orthèses, tels des humanoïdes, halos lumineux et sculptures, le film invite à panser le monde présent et à penser le monde à venir. Cette façon de réfléchir donne lieu à une mise à distance du présent, à une réelle interrogation sur le potentiel humain, ainsi qu’à une exploration d’autres possibles et renvoie aux préoccupations du « transhumanisme ». Le film qui prend pour contexte le solstice d’été correspond au moment de l’année où le Soleil monte au plus haut dans le ciel et éclaire pendant une durée maximale l’un des deux hémisphères. Le 21 juin est donc le jour le plus le long de l’année, où la lumière est un réceptacle à la beauté du monde. Récolter ou collecter comme geste premier les lueurs de l’aube et de la nuit afin de les contempler, tel pourrait être un des enjeux du film.
Dans le film, tout comme lors de ses performances, les acteurs revêtent et activent les prothèses et/ou les orthèses posées sur les sculptures. Les performeurs sont contraints de modifier leurs mouvements par l’inconfort qu’elles infligent. Leurs corps « empêchés », sont amenés alors à inventer des déroulements inhabituels des membres, d’infimes déplacements du buste, des bras, des jambes, à parer à des équilibres instables. Ils inventent une gestuelle chorégraphique inédite dont l’écriture devient l’appareillage du corps performatif. La notion de prothèse/orthèse apparaît non pas comme ce qui remplace un membre ou un organe, en reproduisant au plus près ses formes et ses fonctions, mais comme ce qui complète et ce qui singularise l’homme en tant qu’humain. Ce processus de libération d’une partie des organes va avec la création donc d’un artifice, d’un objet, créé par l’homme pour l’aider dans son évolution et même sa survie.
Les « familles de sculptures » peuplent ainsi l’exposition et son film, créant un écosystème singulier nous plongeant dans un univers à la touche postapocalyptique. La cohabitation et la complémentarité des composants, appuyée par un travail minutieux sur le son en collaboration avec l’artiste Aske Andersen, ouvrent des perspectives. La fragilité et l’homéostasie précaire des sculptures y sont les reflets d’une vie en constante mutation. Ainsi, le concept de prothèses/orthèses est ce qui permet, non de céder à l’idée de disparition du corps mais d’y voir un projet d’extension de son être, d’affirmation de son identité. Le corps n’est plus sanctuarisé. Il s’éloigne de ses déterminismes biologiques. Il n’est plus vécu comme un destin, il n’est plus une donnée axiomatique, mais il est devenu un objet à transformer au moyen des nouvelles technologies. Ce qui caractérise le monde contemporain, c’est un corps soumis à des transformations. Les prothèses de Naomi Maury invitent à transcender le handicap qu’elles engendrent pour devenir à la fois une réparation ou une compensation, mais aussi une esthétisation. En effet, leur formalisation spatiale donne un éclairage sur la nature des processus de mise en valeur, d’érotisation, ou encore de fétichisation. La métamorphose du corps est aussi à mettre en parallèle avec l’image du cyborg comme matrice de l’inscription identitaire et porte-voix politique. Cette évolution, l’historienne des sciences féministe et primatologue Donna Haraway l’avait appelée de ses vœux dès 1985 dans son Manifeste Cyborg. Les frontières entre l’humanité et la machine, entre réalité et virtualité se liquéfient.
L’exposition Exoskeletlight propose une hybridation entre les êtres et esquisse une mythologie des temps présents, des récits nourris de sensibilités, d’attentions et de dignités renouvelées, réfléchissant à un autre monde, futur ou fictionnel. Naomi Maury permet ainsi à des formes de vie inconnues, invisibles, éteintes, d’éclater dans une expérience méditative et immersive.
Naomi Maury est née en 1991 à Bédarieux. Elle vit et travaille à Sète. Suite à l’obtention de son diplôme l’ESAAA, École Supérieure d’Art d’Annecy Alpes en 2015, Naomi Maury dispose d’un atelier à l’ADERA Décines, à Lyon jusqu’en 2018. Elle enchaîne alors les projets d’expositions individuelles, en duo ou collectives. En 2019, elle part en résidence en Thaïlande avec le soutien de l’Institut Français puis expose pour la Biennale de Lyon à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne. Fin
2020, elle est en résidence en Islande grâce au programme d’Artistes en résidence, l’Ambassade de France en Islande et Nylo Museum. Puis elle expose à L’Assaut de la menuiserie à Saint-Étienne pour sa première exposition personnelle. En 2021, Naomi Maury est lauréate du Prix Mezzanine sud aux Abattoirs à Toulouse où elle expose une installation sensorielle et immersive. En 2022, elle est en résidence au Centre d’Élaboration de Matériaux et d’Études Structurales, CNRS à Toulouse avec des chercheurs en physique et chimie sur la matière et réalise une exposition dans la Boule du CEMES à Toulouse. Cette même année, elle expose avec Damien Fragnon à Mécènes du Sud Montpellier. À la fin du printemps 2022, elle est lauréate du Prix Occitanie – Médicis, elle réside à l’Académie de France – Villa Médicis à Rome d’octobre 2022 à janvier 2023.
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Événements
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