Mrzyk & Moriceau. "Meilleurs Vœux de la Jamaïque"
Du 15 avril au 24 septembre 2023
Commissariat : Clément Nouet
Que s’est-il réellement passé pendant cette résidence en Jamaïque ? Le couple d’artistes Mrzyk & Moriceau reste très vague sur les six mois vécus dans cet état insulaire des Caraïbes, même si de leur propre aveu, ils ne sont pas rentrés indemnes de cette aventure. Beaucoup de rumeurs courent.
L’exposition immersive Meilleurs Vœux de la Jamaïque est le fruit de cette résidence, qui suggère de nombreuses histoires.
La première serait la rencontre d’un Taximan à l’aéroport de Kingston, homme très élégant aux mocassins violets avec lequel ils vont très vite sympathiser. Il leur confiera être aussi chamane et avoir la capacité de voir le futur dans la sauce du « poulet Jerk ».
Évidemment, nos deux artistes, avides d’en savoir plus sur leur carrière, donnèrent un billet à ce chamane tombé du ciel qui leur révèlera une chose incroyable : ils allaient délaisser le crayon pour dessiner à la scie sauteuse. Grâce à un second billet, ils saisirent un peu mieux le sens de cette phrase : il leur faudrait créer une composition de murs légers, un long serpent de paravents composé de dessins découpés. Un serpent à deux faces, l’une composée comme un marabout de motifs étranges et l’autre noire, tout en silhouettes inquiétantes.
Dès le lendemain ils achetèrent une scie sauteuse.
Au fil de leur séjour, Mrzyk & Moriceau découvrirent que beaucoup de Jamaïcains, en échange de quelques billets, avaient des dons de voyances avec des procédés toujours différents.
C’est ainsi qu’une vieille dame sans âge leur révéla, en observant méticuleusement leurs ourlets, qu’une graine magique était cachée dans une télécommande d’occasion sur le marché aux puces d’Annotto Bay. Elle leur conseilla de trouver cette graine.
Un loueur de ska vit à travers une bulle de chewing-gum un périple dans un lotissement où les enfants jouent sous terre : un lotissement de mégots.
Ou encore, en regardant l’ombre de son hutia, un petit garçon les alerta sur le risque d’une plongée sous-marine fatale mettant en cause des mocassins-palmes défectueux, il fallait éviter à tout prix de chausser ce type de modèle pendant leur séjour.
Une bande de moules eut aussi une vision en échange de quelques cigarettes : prudence, les artistes devaient faire très attention sur le choix des épingles qu’ils utiliseraient pour accrocher leurs dessins. Certaines étaient ensorcelées et pouvaient contaminer le papier. En conséquence, ces moules leur conseillèrent d’utiliser de la Patafix jamaïcaine, sorte de pâte à galette multi-usage très utile.
La vue en coupe d’un poil de QR code raconta aussi beaucoup de choses sur le futur de notre couple d’artistes. Il fallait absolument réhausser le plafond, les paravents poussaient. Les prédictions devenaient de plus en plus étranges…
En plus de ces visions jamaïcaines, Mrzyk & Moriceau dormaient très mal. La nuit, des effets d’échelles, de matière, de superposition et de perspectives sauvages furetaient autour de leur maison en essayant de rentrer. Le couple devait constamment rester vigilant. Et puis toujours cette sensation étrange d’être observé par un canard.
L’abus de produits locaux les aidèrent à mieux comprendre la signification de ces présages et de ces événements. Dans une grotte tapissée de mousses phosphorescentes composées de 15G naturelle, la rencontre avec un lombric fut décisive dans la suite des événements. Celui-ci leur conseilla de se protéger du mauvais oeil en enfilant plusieurs chaussettes aux motifs bigarrés. C’est ce que firent Mrzyk & Moriceau. Ils avaient maintenant très chaud aux pieds mais se trouvaient à l’abri du monde réel. Curieusement les prédictions des Jamaïcains déclinaient en même temps que la bourse de la résidence, les artistes étaient à sec et les Jamaïcains ne voyaient plus rien dans le futur. Ils commencèrent à douter de la véracité de toutes ces visions.
Tout devenait cohérent. Ils allaient raconter la création de l’univers dans un dessin animé.
Mrzyk & Moriceau sont un couple d’artistes français composé de Petra Mrzyk, née en 1973 à Nuremberg, et Jean-François Moriceau, né en 1974 à Saint-Nazaire. Ils vivent et travaillent ensemble à Montjean-sur-Loire. Le duo commence sa collaboration graphique en 1999 après s’être rencontré aux Beaux-arts de Quimper. Leurs visions pop, souvent traitées en noir et blanc pour plus d’efficacité visuelle, se précisent à un moment où le dessin occupe une place grandissante dans la production artistique contemporaine.
De la feuille, Mrzyk & Moriceau s’émancipent vite vers le wall-drawing, pratique qui leur permet d’apporter des réponses spécifiques au contexte architectural. Mrzyk & Moriceau collaborent aussi avec le milieu musical : des clips pour Air, Philippe Katerine, Sébastien Tellier, The Avalanches, Justice dont on retient le foisonnement d’images incisives et les transitions plutôt sensuelles que narratives.
Très vite, ils déclinent leurs dessins sur d’autres supports : cadavre exquis pour application I-phone, tickets pour un nouveau tramway, mais aussi stickers, éditions de livres, tatouages ou encore générique de film.
Bien présents sur la scène artistique internationale, Mrzyk & Moriceau ont bénéficié d’expositions personnelles à la galerie Ratio 3 à San-Francisco, à la fondation La Caixa à Barcelone, au musée LACMA à Los Angeles, au musée Mamco à Genève…
Ils sont représentés par la galerie Air de Paris à Romainville.