"Marcher dans la couleur"
Du 1er juillet au 28 octobre 2012
Daniel BUREN, Ann Veronica JANSSENS, Mai-Thu PERRET, Veit STRATMANN, James TURRELL, Felice VARINI, Jessica WARBOYS
Commissariat : Hélène Audiffren
L’exposition "Marcher dans la couleur", présentée durant l’été 2012 au Musée régional d’art contemporain, réunit plusieurs artistes de premier plan qui proposent une expérience de la couleur dans l’espace. Ce projet d’exposition emprunte son titre à l’essai L’homme qui marchait dans la couleur de Georges Didi-Huberman sur le travail de James Turrell. Ce texte prend la forme d’une fable qui nous promène au cœur du travail de cet artiste inventeur de lieux. Le genre de lieux qu’invente James Turrell passe par un travail avec la lumière. Il est un sculpteur qui donne masse et consistance à ces choses dites immatérielles que sont la couleur, l’espacement ou la limite. L’exposition "Marcher dans la couleur" propose au spectateur de parcourir des œuvres comme des lieux d’expériences sensorielles.
Dès l’entrée du musée, Felice Varini réalise une intervention inédite horizontale, verticale, qui guide le regard du visiteur depuis le hall jusqu’à la librairie puis propose un second point de vue, via un miroir posé au sol, dans le puits de lumière pour inviter le regardeur à parcourir l’espace autrement.
Daniel Buren présente un dispositif in situ, installé depuis l’ouverture du musée sur la totalité des parois vitrées du musée, qui entretient un dialogue avec l’architecture des lieux. Avec Rotation, l’artiste tire parti de la transparence et propose un jeu de couleurs et de formes, mis en mouvement dans l’espace par la lumière naturelle. À chaque heure du jour, le public découvre une nouvelle installation. Cette œuvre donne à voir une véritable mise en abyme de l’espace par l’explosion de la couleur. L’impression d’éclatement de l’œuvre, accentuée par les projections sur les murs et le sol, incite le spectateur à un déplacement non plus seulement du regard mais du corps tout entier.
Au centre de l’exposition, une installation lumineuse de James Turrell, Red Eye de 1992, est réactualisée spécialement pour l’exposition. Le spectateur pénètre un cube blanc pour faire l’expérience de l’immatérialité dans l’obscurité d’un espace d’où se détache un rectangle coloré. Cet environnement perceptuel sollicite nos sens et trouble notre rapport avec la réalité physique.
Jessica Warboys s’intéresse à la jonction et à la transition entre le rituel, la performance et le processus artistique. Pour ses Sea Paintings, l’artiste immerge les toiles dans la mer sur lesquelles les vagues et le vent laissent les traces de leur mouvement en traversant les pigments appliqués à la main. Ce processus relatif à la performance et à l’improvisation du geste prend la forme d’une série de grandes tentures colorées qui recouvrent des pans entiers de murs de l’espace du musée.
Prolongeant son questionnement plastique lié à la problématique de l’espace et de sa représentation, la pièce proposée par Veit Stratmann prend une fois de plus à partie le lieu pour lequel elle a spécifiquement été pensée. Celle-ci consiste en un vaste dispositif composé d’un assemblage de rectangles de moquette disposés en grille au sol, saturant et organisant la totalité de l’espace. Le spectateur est alors invité à parcourir l’étendue de cette installation : un sol à traverser comme une grande piste de jeu sur laquelle le spectateur pourra inventer ses propres règles et sauter de couleur en couleur ou s’amuser à les éviter.
Chez Ann Veronica Janssens, la lumière n’est pas seulement un instrument ou une condition mais un sujet. La couleur (tamisée, éclatante, hypnotique), la fumée (épaisse, tactile), l’espace (transparent, organisé, réarrangé) sont autant d’éléments qui se mettent au service de son expérimentation. Bluette se présente comme une sculpture abstraite immatérielle : sept faisceaux se croisent pour former une étoile impalpable. Un léger brouillard rend perceptibles les faisceaux et propose une expérience sensible de l’espace. Les tonalités des couleurs varient en fonction des mouvements de l’air et des points de vue du spectateur, offrant une profondeur de champ insoupçonnée.
À l’instar des autres artistes de l’exposition, l’espace est l’une des composantes du travail de Mai-Thu Perret : « Bien que mon travail soit souvent basé sur des scénarios préexistants lorsque je réalise une exposition j’attache une énorme importance à l’espace ». Cet intérêt pour le lieu se traduit par un rapport singulier à la couleur qui y fait presque office d’ornementation. La sculpture minimale monumentale WE se propose au spectateur comme un labyrinthe à arpenter. L’artiste se plaît à composer un jeu optique opéré par la puissance de l’association des couleurs et par la répétition symétrique de la forme géométrique. Le traitement de la couleur illustre un mélange d’influences allant de l’abstraction géométrique du début du XXe jusqu’au minimalisme ou l’Op art.
Le phénomène d’immersion se poursuit dans l’obscurité avec les pièces lumineuses Scrub d’Ann Veronica Janssens. Des formes rectangulaires de différentes couleurs, imbriquées les unes dans les autres, s’animent de mouvements accélérés accompagnés de changements de couleurs. L’image produite s’associe à l’expérience des images rémanentes et celles de l’accélération hypnotique produite par les variations de rythmes.
Le labyrinthe des salles entraîne les visiteurs dans un grand parcours perceptif de sensations colorées, une curieuse expérience où chacun se défera lentement de l’assise profonde qui constitue sa relation avec le réel.