"C’est l’amour à la plage"
Du 11 juin au 23 octobre 2011
Wilfrid ALMENDRA, Pierre ARDOUVIN, Olivier BABIN, Davide BALULA, Véronique BOUDIER, Gérard DESCHAMPS, DETANICO Angela & LAIN Rafael, DOCUMENTATION CÉLINE DUVAL, Nathalie ELEMENTO, Carlos KUSNIR, LA CELLULE (BECQUEMIN&SAGOT), Laurent PERBOS
Commissariat : Hélène Audiffren
Le musée présente une exposition estivale au titre évocateur, clin d’œil à la situation du Musée régional d’art contemporain installé à seulement cinq minutes de la plage, réunissant des travaux d’artistes qui dialoguent autour de l’imagerie liée aux vacances et questionnent les clichés du soleil, de l’amour et du balnéaire. Depuis les paysages touristiques idéalisés aux détournements de l’iconographie sentimentale de bord de mer, en passant par des images kitch de couchers de soleil ou des horizons contemplatifs, l’exposition oscille entre représentation poétique et hédonisme vulgaire.
Suspendue dans les airs dès l’entrée du musée, la sculpture Inflatabowl de Laurent Perbos, conglomérat de jouets de plage gonflables, nous accueille dans l’attente d’une probable explosion. Après l’effet insolite et éphémère généré par le simple geste de détournement, l’attention se porte sur les propriétés et les composantes plastiques des objets familiers, leur charge poétique, leur potentiel de représentation.
Gérard Deschamps à son tour utilise planches à voile et ballons, objets standardisés d’une société qui apparaît comme celle de la fabrication artificielle des désirs promus par le marketing. Il ne s’agit pas seulement de multiples d’objets de détente tantôt pastels, tantôt chatoyants mais d’une multiplication sans fin, sous le leurre du jeu de plage.
À l’étage du musée, sur un écran ultra-plat, une animation de Pierre Joseph simule le cycle de la montée des eaux des îles normandes de Chausey. Le tableau mouvant se situe entre un hyperréalisme photographique et une sorte de mosaïque abstraite évolutive. Le visiteur est plongé dans une réalité totalement virtuelle, modélisée par l’artiste, et légèrement hallucinatoire.
Les Paysages 3D froissés de Pierre Ardouvin, archétypes de l’image idyllique, cliché, carte postale images de paysages paradisiaques, images de bonheur kitch reflètent l’ambivalence entre notre attirance pour un bonheur rassurant et le rejet de son artifice.
Une paire de tongs, un pâté de sable, des bretzels hyper-réalistes réalisés en bronze et peints à la brosse sont disséminés dans les espaces du musée comme des objets délaissés sur le bord de plage. Olivier Babin réalise un simple geste à la fois poétique et désenchanté, blague visuelle qui piège le spectateur, échappée à la fois subversive et ludique.
Plusieurs espaces sont consacrés à la documentation céline duval : diaporamas, projection, papier peint, poster édité pour l’occasion et proposé au visiteur ou simples agrandissements photographiques. documentation céline duval constitue depuis plusieurs années un fonds iconographique aux sources variées : photographies d’amateurs ou personnelles, images de mode découpées dans les magazines et cartes postales couleurs. Matière première de la documentation céline duval, ces images, souvent de bord de mer, patiemment collectées et classées composent un édifice en construction permanente qui prend des formes diverses. L’installation vidéo Horizon connecte la présence de corps au paysage de mer. Une forme de joie photographique sous-tend chaque image, où les corps s’épanouissent devant l’horizon devenu mouvement, écho du ressac de la mer omniprésente. Ligne magique, l’horizon suggère l’ailleurs et le voyage. Dans les photographies, des baigneurs composent des pyramides humaines ou jouent à saute moutons, tentant de figer, dans l’espace et le temps, un instant de bonheur et de liberté. La série vidéographique Les allumeuses, quant à elle, agit simultanément comme une numérisation et destruction d’un fonds publicitaire de jeunes femmes dans des poses caricaturales de séduction.
Davide Balula déploie un rouleau de papier Blau, blau, blau sur la largeur d’une des salles du musée, qui modèle une déferlante bleue, construit un paysage. Après une impression de mécanique froide, le regard glisse vers un univers fragile et poétique.
Hervé, grande façade de Carlos Kusnir, occupe le centre de l’espace comme une architecture précaire ou paravent géant. Le panneau découpé, recouvert d’un papier peint au motif répétitif d’entrelacs, sorte de cordage d’un vieux gréement ou agrandissement d’un filet à poissons, simule une forteresse à deux tours. Elle vient rappeler les façades colorées des villes portuaires latines.
Wahiawa de Wilfrid Almendra, vague figée de carreaux de céramique inspirés des azulejos portugais, allie un esprit surfien à l’estampe japonaise avec le dessin au feutre d’une feuille de figuier. Du coup, l’objet glacé affiche des airs de statuettes en porcelaine digne des décorations domestiques les plus kitch.
Égérie, séductrice ou femme d’intérieur, Véronique Boudier interprète de multiples personnages. Elle s’est transformée le temps d’un été en vendeuse de chouchous et chichis tirant sa carriole de plage. Comme dans l’ensemble de ses autoportraits où elle campe des rôles de femmes, elle joue avec les clichés de la femme-objet.
Le Soleil Couchant de Pierre Ardouvin, simple sphère en plexiglas appuyée contre un mur et éclairée par un néon fluorescent placé à sa base, s’est désolidarisé de son imaginaire de carte postale, réinvente le minimalisme et ne cache pas sa nature artificielle. Dans un bac à sable, des bris de miroir simulent des ailerons de requins, telle une aire de jeu impossible.
Ida Tursic & Wilfried Mille renouvellent la peinture, puisant dans le répertoire érotique, comme si le plaisir de peindre se conjuguait littéralement au plaisir des sens : un visage de jeune femme au regard mi-clos peint en gros plan devant un paysage tropical ensoleillé, tourne en dérision l’image icône de la femme dans le porno. La coulure visible dans la mer turquoise, sur son visage et sa poitrine, est le reflet du plaisir, de l’envie, elle agit comme un élément déclencheur du désir, de la jouissance et devient le signe du trop, de l’obscénité. Le désir de peindre chez I&W s’accomplit dans la démesure : démesure de l’espace, démesure de la couleur, démesure des détails.
La vidéo Sunsets de Jean-Claude Ruggirello présente une sélection de couchers de soleil prélevés sur le net et alignés sur la même ligne d’horizon à mi écran. L’horizontalité de l’image nous hypnotise pour nous faire oublier le cliché de l’image romantique.
Au rez-de-chaussée, Angela Detanico & Rafael Lain présentent la projection Wave Horizon, vague numérique au vocabulaire formaliste. Le résultat plastique et sonore peut être assimilé à une posture romantique revisitée, intégrant science et technologie en lieu et place des notions d’intimité, de spiritualité et d’aspiration vers l’infini.
Nathalie Elemento propose des serviettes de bain aux proportions nouvelles, comme un dessin au sol ou une invitation à s’y allonger à deux. Elle met en évidence des postures physiques et mentales. L’artiste détourne les objets, non pas pour les rendre inutilisables, mais pour leur révéler une dimension nouvelle.
La cellule (Becquemin&Sagot) conçoit pour le vernissage une performance intitulée Baisers et coquillages. À l’image des films de Gene Kelly, elle prend corps in situ, tirant partie de la situation contextuelle du buffet, de l’architecture du musée et du public convié. Elle met ainsi en scène danseurs professionnels et personnel du service du protocole de la région Languedoc-Roussillon. De la légèreté d’une romance estivale à la dramaturgie d’un désir ébranlé, oscillant progressivement de la réalité d’une situation à une fiction dansée convoquant l’univers de la comédie musicale, la performance interroge le jeu de la séduction. Petit à petit, les interprètes convoitent subtilement les spectateurs avant que, d’arabesque en pas de deux, ce charme versatile ne s’évade en un invraisemblable tableau dansé. En écho à cette performance, l’installation intitulée Entre toi et l’eau bleue présente un coquillage éclairé, flottant dans le vide de l’obscurité environnante, laissant échapper le son d’un océan capturé. Invité à un moment d’écoute contemplative et solitaire, chacun peut se laisser dériver dans les flux et reflux de sa propre mer.
Les sculptures et installations de Wilfrid Almendra questionnent le devenir pavillonnaire, si standardisé par l’architecture balnéaire. Pour la série de sculptures murales Basement, il transforme un morceau brut d’asphalte, prélevé à même une route, en un terrain à bâtir, sur lequel il greffe un moulage en béton reprenant à échelle réduite le plan standard d’une "maison de constructeur" – dont le nom de catalogue donne son sous-titre à l’œuvre. Au-delà de la beauté abstraite de cet assemblage, Wilfrid Almendra met ici en tension le désir individualiste incarné par la maison individuelle et sa réalité standardisée. Une pièce inédite réalisée spécialement pour l’exposition à Sérignan prend la forme de blocs de béton couverts d’inox réfléchissant au milieu desquels pousse et se reflète la main symbole de Chandigarh, ville destinée lors de l’indépendance de l’Inde à devenir la capitale du Pendjab, qui a permis à Le Corbusier de matérialiser ses théories. L’installation, inondée de lumière jaune, apparaît comme un mirage en plein désert.