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"Une appropriation de la
nature". Guillaume Leblon

Du 18 novembre 2012 au 24 février 2013

Commissariat : Hélène Audiffren

Formé à l’École des Beaux-Arts de Lyon jusqu’en 1997, Guillaume Leblon (Lille, 1971) a poursuivi ses recherches à la Rijksakademie d’Amsterdam et expose régulièrement en Europe et aux États-Unis. L’artiste ancre ses recherches dans l’héritage conceptuel des années 60. Il interroge l’œuvre, sa nature et sa structure d’œuvre, sa relation à l’espace. Les stratégies spatiales organisées par l’artiste et le choix même des matériaux visent à mettre en scène des rapports entre l’individu et l’espace. Entre nature et culture, réalité et fiction, gravité et légèreté, superficie et densité, intériorité et extériorité, l’artiste aux installations et aux médiums protéiformes, crée une œuvre empreinte d’une certaine mélancolie et d’une touche de mystère. Guillaume Leblon, qui se définit comme un artiste d’atelier, travaillant dans l’instabilité, reste évasif : "je me contente de déconstruire, d’additionner ou de soustraire, en fonction de ce que j’ai sous la main dans l’atelier".

Au rez-de-chaussée, un sol en plâtre à parcourir occupe les 550 m², uniformisant tout l’espace. Le plâtre, matériau utilisé dans la construction depuis l’antiquité, unifie l’espace dans une pellicule réparatrice, protectrice. En recouvrant le sol, le plâtre apparaît comme une seconde peau, une manière de re-panser l’espace. Cette altération de l’état initial, cette disparition du sol questionne la perception. Le plâtre montre une surface, donne corps à ce sol, lui donne une image mais perturbe aussi l’espace par le bruit des pas du visiteur marchant dessus. Il donne un effet de dilatation physique en présentant les œuvres installées dessus, partant du centre vers l’extérieur, créant un éclatement, une dispersion. Les œuvres dialoguent entre elles, même si elles sont autonomes et entrent en tension. Sont réunies des œuvres anciennes et récentes agencées de manière complexe, créant ensemble un espace comme un réseau. Apparaît une sorte de paysage immobilisé, des empreintes au sol comme traces du passé, sorte de décor pompéien figé à travers les âges, dans une intemporalité liée au statut de ruine. La question de la ruine est d’ailleurs le moment où la nature reprend le dessus sur la culture.

Guillaume Leblon invite le visiteur au déplacement : il l’invite à percevoir mentalement et physiquement cet espace. Il propose une dérive, une déambulation car son travail ne se livre pas comme des images directes mais partiellement, grâce à un processus lent, comme un jeu subtil de caches et de révélations. La temporalité est une des composantes essentielles du travail de Guillaume Leblon.
Guillaume Leblon met en dialogue architecture et matériaux avec une extrême sensibilité formelle. L’artiste travaille avec des éléments naturels, des éléments qui l’entourent. Son vocabulaire plastique se compose de matériaux « pauvres » tels que le bois, la corde, le verre et d’autres alliages bruts tels que l’étain. Ses matériaux appartiennent souvent à la construction. Il utilise également des objets simples du quotidien, comme du mobilier (Banquette, Meuble), qui semblent récupérés, posés là, presque abandonnés, en attente, comme les matelas en mousse jaunes. L’empreinte de pantalon au sol associée à l’empreinte du papillon, apparaît comme trace en désordre d’une intimité ou d’une tragédie. Ces indices, associés à la paire de jambes en céramique, renvoient à une scène domestique ou au souvenir d’une action passée (Temps Libre, réalisée en 2001).

Son œuvre comporte des références aux phénomènes naturels, à la fonction des objets, à des changements d’état de la matière. Éléments transformés ou légèrement altérés, éléments fragiles et structures lourdes cohabitent et configurent une production issue de l’environnement domestique et de l’habitat, comme Vestiaire ou ses "objets sommaires" évocation en miniatures des Maisons sommaires (2008). Guillaume Leblon s’intéresse également aux objets quotidiens qui interrogent leur contenu, comme pour Vestiaire par exemple. L’objet contient quelque chose qui n’est plus visible, dissimulé. Il recèle une possibilité de découverte ou de re-découverte, un lieu de mémoire. Ses Chrysocales, telles des chrysalides, entourent, enveloppent, dissimulent, enferment, sous un tressage, des objets banals, ou naturels, périssables, comme les fleurs, qui apparaissent comme momifiés. Ses Chrysocales évoquent le culte ancien de l’Égypte, consistant à sauvegarder des objets simples dans les tombeaux pour une autre vie. L’artiste poursuit ainsi une réflexion sur la mémoire et sur la mort déjà amorcée avec l’œuvre Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (2007-2008), comme avec la porte appuyée au mur, promesse d’un au-delà (comme dans La Trappe, 2008). Le travail de Guillaume Leblon montre les traces de ce qui a résisté au passage du temps, comme si leur état actuel était éphémère. En d’autres occasions, ce sont les matériaux, plutôt que les formes, qui trahissent l’action du temps comme usure : des surfaces apparaissent érodées ou déterrés comme la planche de Curved plate, déformée, tordue, qui ploie sur le mur sous son propre poids à la limite de la rupture et sur le point de basculer.

À l’étage, un grand sol de carton gris, recouvrant toute la surface de la salle, reçoit un ensemble de sculptures en céramique, les Chariots, conçus à partir du même élément moulé et répété : un grand champ de sculptures, comme un jardin zen. Entre construction, déséquilibre, répétition de formes, ces sculptures à l’aspect vernaculaire évoquent à la fois, une archéologie antique, la grande histoire de la sculpture et une pratique quasi-artisanale. Un ensemble de lithogravures ou "impressions de pierre", épinglé au mur, révèle des images en deux dimensions, empreintes d’éléments qui deviendront plus tard des sculptures, comme un ensemble de modèles. L’espace entier devient comme une grande maquette à l’échelle de notre corps.

L’artiste interroge l’œuvre, sa nature et sa structure, sa relation à l’espace. Les stratégies spatiales organisées par l’artiste et le choix même des matériaux visent à mettre en scène des rapports entre l’individu et l’espace. Entre nature et culture, réalité et fiction, gravité et légèreté, superficie et densité, intériorité et extériorité, l’artiste aux installations et aux médiums protéiformes, crée une œuvre évocatrice et mystérieuse.

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Vues de salle, Guillaume Leblon, "une appropriation de la nature", 2012-2013, Musée régional d'art contemporain Languedoc-Roussillon. Photographie : J-P.Planchon Vues de salle, Guillaume Leblon, "une appropriation de la nature", 2012-2013, Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon. Photographie : J-P.Planchon
"Chrysocale verticale", 2006. Cuivre, étain et zinc, 90 x 40 x 40 cm. Collection privée, Paris. Photographie : J-P.Planchon "Chrysocale verticale", 2006. Cuivre, étain et zinc, 90 x 40 x 40 cm. Collection privée, Paris. Photographie : J-P.Planchon
"Titre en cours", 2012. Pastel sec sur papier, 3 dessins, 200 x 150 cm chaque. Courtesy de l'artiste. Photographie : J-P.Planchon "Titre en cours", 2012. Pastel sec sur papier, 3 dessins, 200 x 150 cm chaque. Courtesy de l’artiste. Photographie : J-P.Planchon
"Examen de minuit", 2012. Céramique, couverture et peinture, 73 x 224 x 123 cm. Courtesy de l'artiste. Photographie : J-P.Planchon "Examen de minuit", 2012. Céramique, couverture et peinture, 73 x 224 x 123 cm. Courtesy de l’artiste. Photographie : J-P.Planchon
"Une appropriation de la nature", 2012. Technique mixte, dimension variable. Courtesy Galerie Jocelyn Wolff. Photographie : J-P.Planchon "Une appropriation de la nature", 2012. Technique mixte, dimension variable. Courtesy Galerie Jocelyn Wolff. Photographie : J-P.Planchon
"Petit chariot coloré", 2012. Céramique, 7 éléments, 70 x 45 x 35 cm. Galerie Jocelyn Wolff. Photographie : J-P.Planchon "Petit chariot coloré", 2012. Céramique, 7 éléments, 70 x 45 x 35 cm. Galerie Jocelyn Wolff. Photographie : J-P.Planchon
"Après les dunes", 2012. Métal et polyane, 220 x 784 cm. Courtesy de l'artiste. Photographie : J-P.Planchon "Après les dunes", 2012. Métal et polyane, 220 x 784 cm. Courtesy de l’artiste. Photographie : J-P.Planchon
Vues de salle, Guillaume Leblon, "une appropriation de la nature", 2012-2013, Musée régional d'art contemporain Languedoc-Roussillon. Photographie : J-P.Planchon Vues de salle, Guillaume Leblon, "une appropriation de la nature", 2012-2013, Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon. Photographie : J-P.Planchon
"Grand chariot marron", 2012. Céramique, 65 x 60 x 60 cm. Courtesy de l'artiste. Photographie : J-P.Planchon "Grand chariot marron", 2012. Céramique, 65 x 60 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Photographie : J-P.Planchon
"Grand chariot", 2012. Céramique, 63 x 60 x 62 cm. Courtesy de l'artiste. photographie : J-P.Planchon "Grand chariot", 2012. Céramique, 63 x 60 x 62 cm. Courtesy de l’artiste. photographie : J-P.Planchon
"Petits objets sommaires", 2012. Technique mixte, dimension variable. Courtesy de l'artiste. Phoptographie : J-P.Planchon "Petits objets sommaires", 2012. Technique mixte, dimension variable. Courtesy de l’artiste. Phoptographie : J-P.Planchon
Vues de salle, Guillaume Leblon, "une appropriation de la nature", 2012-2013, Musée régional d'art contemporain Languedoc-Roussillon. Photographie : J-P.Planchon Vues de salle, Guillaume Leblon, "une appropriation de la nature", 2012-2013, Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon. Photographie : J-P.Planchon