Pierre Tilman. "Les Îles flottantes"

Du 28 janvier au 21 mai 2023

Commissariat : Clément Nouet

Touche à tout, Pierre Tilman est à la fois artiste plasticien, écrivain, critique, performeur, historien d’art ou encore poète. Et c’est pour l’ensemble de ces casquettes que le Musée régional d’art contemporain l’invite à investir le Cabinet d’Arts Graphiques.

Au carrefour de la poésie et des arts plastiques, le travail visuel de Pierre Tilman prend corps à travers divers médiums. Le dessin, la photographie, l’édition ou encore le collage et la récupération donnent aux mots une dimension matérielle qui bouscule les acceptions. Amoureux des mots, des sons et des formes, il pense son œuvre comme un grand jeu de combinaisons multiples.

Pierre Tilman en parlant de sa série des "Îles flottantes", débutée en 1977, puis « réactivée » en 2012, 2020 et encore aujourd’hui, explique que l’inspiration dérive et prend le large, coule et s’écoule, mais revient toujours dans ce fleuve discontinu qui « s’épanche pour faire naître le monde vivant ». En 1979, Pierre Tilman publie « Ile Flottante » [1] un de ses rares romans de science-fiction. « Sur la lointaine planète terre (…) le personnage principal du roman va partir à sa propre recherche. D’aventures en aventures, il va croiser sur sa route nombre d’hommes et de femmes, tels que la tendre Joss, la belle et érotique Bijou Précieux, la strip-teaseuse noire aux chaussures rouges pailletées, un indien, Grand Serpent et cet inquiétant vieux pêcheur au chapeau cabossé qui va lui faire descendre le fleuve sur sa barque pour un voyage fantastique au long de l’espace et du temps » [2]. Ce roman à l’intrigue compliquée permet d’entrevoir une lecture possible des dessins présentés dans l’exposition. Les notions de voyage, de dérive, d’eau, d’érotisme… commencent à émerger.

Dans l’exposition Les Îles flottantes, l’artiste présente plusieurs dessins de la série des "Îles flottantes" dont plusieurs produits spécialement pour l’exposition.
Pierre Tilman dessine une cartographie en miniature composée d’une ou de plusieurs îles où les reliefs sont faits d’une forme abstraite colorée, parfois pailletée, accompagnée en dessous d’un morceau de texte manuscrit. Ainsi se crée une forme de lecture subjective entre l’image et le texte d’où sortent des vocables récurrents comme air, mer, amour, vent, désirs, yeux… un champ lexical qui oriente le lecteur, sans chercher à délivrer un message. Au contraire, son expression modeste donne à l’ordinaire un caractère énigmatique. Il invite ainsi le visiteur à inventer sa propre histoire et son propre voyage. En se confondant avec l’objet matériel, le mot se singularise dans une vision pop des signes.

Les Îles flottantes débordent des feuilles de papier pour aller prendre vie sur la cimaise du musée à travers d’autres collages. Certains assemblages sont composés de courts poèmes dactylographiés sur des bandelettes de papier découpées et collées sur les brindilles de bois fixées au mur. La disposition et le découpage des bandelettes rythment la composition et la lecture. Les textes, plutôt minimalistes, se situent entre la poésie et la maxime et acquièrent, grâce aux brindilles, une profondeur visuelle.

Dans l’univers de Pierre Tilman, les mots ne sont pas réservés à l’écoute ou à la lecture : ils s’ouvrent à d’autres modes de perception. Les sens agissent alors simultanément à travers le texte, l’image et le support. Par ce geste il souhaite que le visiteur participe à une forme de lecture humoristique et interactive où le mot sort de son cadre conventionnel figé par la grammaire et le dictionnaire.